Ça fait un an qu’ils sont partis. Un an que nous vivons entre nous, entre semblables. On croyait pouvoir vivre tranquilles, sans eux, sans leurs différences, sans leurs problèmes. Au début, c’était l’euphorie. On se réjouissait de régler nos problèmes sans avoir qui que ce soit à blâmer. On pensait qu’on serait enfin heureux, unis, solidaires.
Mais quelle erreur ! Sans eux, tout est devenu fade, insipide. La nourriture n’a plus le même goût, même les bananes ne se vendent plus. On a perdu nos repères, notre bouc émissaire, notre ennemi commun. Avant, on les accusait de tout : du chômage aux retraites menacées, en passant par l’infidélité et la délinquance. C’était toujours leur faute. On se rassemblait pour les critiquer, les insulter, les haïr.
Pendant les événements sportifs, on pouvait exprimer sa haine ou son amour envers eux sans retenue. Ils étaient notre ennemi juré, le bouc émissaire idéal sur lequel déverser nos frustrations. On se sentait unis par ce mépris commun. Maintenant, quand notre équipe perd, on ne peut plus blâmer le joueur différent. Non, maintenant, on blâme l’arbitre, l’entraîneur, les joueurs remplaçants.
C’est fou, non ? On regrette presque cette époque, même si on savait qu’elle était destructrice.
On avait besoin d’eux, de leur présence, de leur différence. Mais eux aussi de nous, car les pauvres ils feraient comment sans nous pour leur dire quoi faire! N’est-ce pas !?
Aujourd’hui, le vide qu’ils ont laissé est toujours béant. Un vide que l’on tente de combler tant bien que mal.. On est seuls. Face à nous-mêmes, à nos propres démons.. Peut-être qu’on a besoin d’eux, après tout. Peut-être qu’on a besoin de leurs différences, de leurs problèmes, de leurs contradictions. Peut-être qu’on se complète dans le fond, sans qu’on ose se l’avouer.
Qui sait ? Peut-être qu’un jour ils reviendront. Et peut-être qu’à ce moment-là, on comprendra enfin qu’apprendre à vivre ensemble est ce qu’il y a de mieux.
#WeAreAllMonkeys
